lundi, mai 14, 2007

Grand Trail Dentelles Ventoux – deux Trails pour le prix d'un

www.astrado.org
109km – 4600D+
Ma course 11h50 – abandon 75°km – 3700D+
12/13 MAI 2007

Credit photo: Stephane Couleaud

Vigilant ! Le mot de Yoyo après quelques km de courses aura été le mot de la journée.

Vigilant avec le balisage, vigilant avec la chaleur, vigilant avec la gestion des ravitos, vigilant avec son corps et son moral.

Vendredi à l’arrivée en garde d’Orange, comme prévu une navette du Rotary qui organise le Trail nous attend moi et 4 autres coureurs. Une navette en forme de BMW série 5, déjà vu plus rustique ! Gigondas, magnifique perché sur sa colline avec les Dentelles de Montmirail en toile de fond, où Phil et Jérôme sont en pleine préparation de leurs sacs. Un vrai supermarché du ravitaillement étalé sur l’herbe. Après la traditionnelle pasta party, montage de la tente, et hop dodo jusqu’à 3h.

Samedi – 3h30, petit dej de l’organisation, et les UFO’s arrivent. En plus de Phil et Jérôme, Yoyo et Néo nous rejoignent. Yoyo avec un objectif de 14h en tête et son expérience du terrain, et Néo avec l’angoisse du Circadien chevronné qui tente l’aventure du (ultra) Trail.

4h30 le départ est donné pour les 141 engagés sur le 100km (un 58km démarre 15mn après). Les étoiles brillent laissant présager une journée … ensoleillée ! L’allure relativement prudente de l’ensemble du peloton nous change des départs canons des trails précédents (Vulcain, TBA, Ardéchoix), il est vrai plus courts. Avec Yoyo, je me vois bien essayer de faire la course avec lui. Après tout nous sommes sur 50/60 bornes sur des allures comparables, il a l’expérience du très long et du terrain local en plus. Au bout de 2km, une surprise, Phil nous rejoins en petite foulée pour un dernier coucou, déjà euphorique, l’endorphine ne cesse plus son effet chez ce stakhanoviste du début de saison 2007. A la frontale, les 25 premiers km s’enchainent très bien avec des successions de montées/descentes très roulants. Les premières rubalises volantes ou bien planquées dans les coins jouent leurs premiers vilains tours à quelques concurrents. Vigilance. Il fait bon mais même pas trop frais.

Vers le km 30, on attaque le grand morceau, le Géant de Provence : le Ventoux. Les passages entres les gros blocs de rochers me rappellent que je suis déjà passé par là en 2006 au Trail du Ventoux. Les montées laborieuses dans la caillasse où Irina montait en bondissant se font moins pénibles cette année. Avec Yoyo on alterne les relances, un coup devant, un coup derrière. Un échange très naturel. Comme après des années d’entrainement commun. Sauf que non. Peut être qu’au travers des échanges d’emails et de lecture des CR on commence à se connaître ?

A la moitié de l’ascension, à la route forestière, au dernier moment nous voyons des rubalises qui nous obligent à emprunter un petit chemin qui redescend. D’autres concurrents ne le verront pas. Vigilance. 200D- qui font penser que décidément on n’y est pas encore sur le sommet du Géant. Au PC de contrôle on pointe à la 14° et 15° place. Le rythme est le bon, et le jeu de Pac Man – gobage des trailers précédents par relance - peut continuer. On attaque le plus gros pourcentage de la montée, et là je sens un petit coup d’hypoglycémie arriver. Pendant 10mn je m’alimente en urgence tout en gardant le rythme soutenu de la montée. L’hypo passe, le pourcentage diminue, tout va bien. Vigilance. Et puis surprise, un petit groupe de 10 trailers nous passent sous le nez venant de la route et non du chemin comme nous. Ils ont loupé le chemin qui descendait, et ont bien gagné 30mn sur le parcours avec 200D- et D+ non réalisés. Yoyo râle. Moi je m’en moque. C’est leur problème, et puis on va les repasser un par un de toute façon. La dernière ligne droite vers le sommet du géant est magnifique. Il fait frais mais pas froid, le temps dégagé, du caillou à perte de vue. Et on relance encore pour arriver en trottinant au ravitaillement. Et y’a de la soupe ! (que de l’eau sur les autres ravitaillements, même pas de coca !). 6h15 de course. Pas mal. Dans les temps pour l’objectif de Yoyo en 14h.

On ne s’attarde pas. Début de la descente dans la caillasse. Enervé par notre nouveau classement (30° alors qu’on ne fait que doubler …), on attaque en mode Marco. Comme me le fait remarquer Yoyo, ca n’est quand même pas terrible. On esquinte les chemins, et on risque de se blesser. Alors on reprend le sentier, et j’accélère en allongeant la foulée. Je distance un peu Lionel, mais je dois récupérer mon sandwich et un coca dans le sac, il me rejoindra. Très longue descente. On passe de l’altitude 1900 à 300 en près de 8km. Et la chaleur arrive. Vigilance. Un long sentier, je prends le sandwich et le coca, Yoyo me rejoint. Une route, et puis Brantes, l’arrivée de la course de 58km. Je commence à me sentir pas bien avec cette chaleur pesante. 8h de course – 12h30 – le soleil tape comme une chape de plomb sur ma tête. En repartant du ravitaillement de Brantes, je comprends que je ne vais pas pouvoir continuer à ce rythme, le signale à Yoyo, et lui demande de partir faire sa course. Fin du CR en commun. Il part rejoindre un groupe de 3 coureurs qui finiront dans les 10 premiers. Je le vois d’éloigner avec un pincement au cœur car je sais que pour moi c’est la fin du cycle des relances faciles et victorieuses, la fin du Pac-Man. Mais je suis heureux. Car je sais aussi, que cette dynamique est toujours présente chez Yoyo. Il est fort. Il a envie.

Je ralentie donc. Maintenant tout le parcours ou presque se fait à découvert, sur de la pierre ou de la terre avec fort pouvoir réverbérant, et une température au-delà de 40°C.

En haut d’une colline, une course de moto tout terrain a été organisée. Il y a des balises de partout. Des concurrents sont perdus depuis 1/2h. Je n’y échappe pas. Mais des concurrents m’interpellent à temps et je perds qu’une dizaine de minutes. Vigilance.

Ensuite les 12km qui séparent Brantes de Veaux vont être le début de l’enfer. Je consomme beaucoup d’eau pour lutter contre la montée de ma température interne. A mi-parcours (mais je ne le sais pas), je n’ai plus rien. Je suis seul. Pendant 1h30 je ne vais rien boire, ne pensant qu’à avancer. Mais je commence à délirer. Je ne vois pas une rubalise après un pont et loupe le GR. 15mn en plus. Je vois double. Je ne marche plus droit. Soif. J’entends la rivière qui coule 500m plus bas. J’entends aussi des voix de concurrents. Je me retourne, ca fait presque 2h30 que je ne vois plus personne. Ils vont arriver sur moi dans 10mn environ. Je leur demande de l’eau et gentillement et sans se poser la question de leurs propres réserves, ils me donnent leurs dernières gouttes d’eau. Solidarité. On arrive sur Veaux (72°km) où un ravitaillement en eau nous attend. Un peu non-chaland, les bénévoles nous laissent nous servir. Certains vont se mettre dans l’eau de la rivière. Je remplis tout et repars avec le 3° de l’année précédente qui ne le sent pas trop et parle d’abandon. Moi je veux continuer, même en rampant, mais dés les premières montées ma vitesse descend encore. Et je ne peux plus relancer dans les descentes ou sur les plats. Mon corps est marqué par l’heure et demi sans boire. Je suis très faible. Et toujours seul dans la pampa. Au bout de 3km et 1h ( !) je croise des bénévoles en 4x4 (au Rissas) avec de l’eau. J’ai déjà bu mon litre et demi en 3km. Le prochain ravito est annoncé à Malacène au 81°km. Je fais le calcul, je mesure le risque. Déjà très faible je ne peux pas me permettre de continuer en prenant le risque de ne plus avoir d’eau. Je pourrais attendre là sous un arbre que le soir tombe vers 20h (il est environ 16h), mais je suis déjà trop marqué. J’abandonne. Vigilant.

En 1h d’arrêt au Rissas, j’ai vu 4 coureurs dont 2 en relais et Jérôme qui terminera courageusement en 18h. Je rejoins l’arrivée à Gigondas, et attend les camarades avec émotion et envie. Serge Barthes est arrivé déjà, et les deux suivants aont 2h de retard sur lui. Quelle perf. Et puis 30’ plus tard, l’émotion, intense, véritable, sincère. Je reconnais ce Tshirt Rouge, ces mollets tout rond, des gourdes à la place des oreilles : mon Yoyo. Putain, il est 4° au scratch ! Et il a à peine baissé l’allure depuis la fin de notre sortie commune à Brantes. Trop fort. Je suis heureux. Presque autant que lui. Lui ne réalise pas vraiment. Il est encore dans son combat. En plein Pac-Man. Du sel plein le Tshirt et le visage. Le héros du Géant. Plus de 15h, mais aussi 9km et 600D+ de plus. Son objectif est plus que réussi.

Plus tard arriveront aussi Jérôme (en 18h env.) et Phil (en 21h env.). Ils auront - comme les 71 « rescapés » - mérité de notre admiration pour leur courage, leur détermination, et leur sagesse. Ils auront été vigilants jusqu’au bout. Bravo camarades !

Une pensée pour Néo, qui a tenté, et retentera encore, j’en suis sur. Parce que finalement c’est si beau.

Epilogue : il y aura eu deux courses. Celle de 58km avec Yoyo en 8h environ et 2600D+, à coups de relances systématiques, et l’autre de 14km en 4h laborieuse et harassante, démoralisante, cassante. Mais quelle belle course ! Je suis impressionné d’avoir quand même vu rentrer près de 70 coureurs (sur 141) jusqu’ 5h du matin, là ou je n’en voyais pas plus de 40 au début. En imaginant leur courage et leur patience face au double défi de la distance/dénivelé et de la chaleur. Ils ont été vigilants.

Leçon 1: la gestion de la chaleur. Je me sentais pourtant indestructible depuis cet hiver, enchainant bien les trails et en ayant un niveau de forme global supérieur aux années précédentes. Ma physiologie ne me permet visiblement pas aujourd’hui de supporter les trop grosses chaleurs trop longtemps. Déjà au Trail des balcons d’azur les deux dernières heurs avaient été pénibles, avec une grosse perte de lucidité. Quel travail dois-je faire pour améliorer ce point ? Sur l’alimentation et notamment l’assimilation en eau ? Entrainement dans un four thermique ? Epouser une antilope sablé ?

Leçon 2 : la relance. La systématisation de la relance après la moindre marche et dés que le dénivelé le permet est d’une efficacité redoutable. Des concurrents que l’on ne rattrape ni en monté, ni en descente, peuvent être distancés juste sur une succession de petites relances très efficaces et finalement pas si consommatrices. A travailler systématiquement sur les Off et autres sorties chocs ou longues.

Leçon 3 : le collectif. Et oui ! Une course individuel de Trail peut être collective (en dehors bien sur des relais – option très intéressante par ailleurs que devraient peut être commencer à explorer les ultra-trailers. Le pied d’être en binôme avec Yoyo sur cette première partie, de sentir la symbiose des relances, la même envie de rattraper à coups de cm ce concurrent qui précède. De voir son binôme partir parce que toujours en forme lui, et de sentir toujours - après l’abandon - continuer la course comme par procuration. C’est drôle, de voir à l’arrivée Yoyo en 4° place au scratch , j’étais fier comme si j’étais son entraineur, ou que j’avais décidé d’être son sparring partner sur la première partie. Un peu ma course aussi donc.